Hinatsuba, celle qui maniait le sabre est un manga publié au Japon en 2018. Il s’agit d’un one-shot de 280 pages, auquel s’ajoutent 16 pages de documentaire. En France, il faudra attendre février 2025 pour le découvrir, publié par les éditions Petit à Petit sous leur nouveau label Kotodama.
Le Japon au temps d’Edo
Tout comme Sushi Ici et Hitarki in the Light, ce manga offre à la fin un documentaire complet, entièrement en couleur et illustré.
Ce supplément richement détaillé permet au lecteur de plonger plus profondément dans l’époque d’Edo, en explorant des sujets variés comme la vie des samouraïs, leur rôle et leur fonction dans la société, ainsi que la pratique du sabre, symbole majeur de cette époque.
Le documentaire met également en lumière le rôle des femmes pendant cette période historique, souvent ignoré dans les récits traditionnels.
En plus des illustrations captivantes, on y trouve des conseils de lecture pour aller plus loin dans la découverte de l’époque, ainsi qu’une chronologie des événements importants de l’ère d’Edo, permettant de mieux comprendre le contexte historique dans lequel se déroule l’histoire du manga.


Au-delà des attentes : l’histoire de Suzu
Depuis toujours, Suzu, fille de Kantake Shûzô, maître d’armes d’un dôjô, ressent un profond mal-être. Elle n’a jamais eu l’impression d’être une femme et ne se reconnaît pas parmi les autres jeunes de son âge. Elle ne trouve aucun plaisir à jouer avec des poupées ni à admirer les hommes. Son seul véritable plaisir réside dans le dôjô, lorsqu’elle manie un sabre, ce qui, à l’époque, est plutôt surprenant pour une femme.
Cependant, malgré ces sentiments, son père, qui l’élève seul, la soutient pleinement dans sa volonté et la taquine même. Dès les premières pages, on le voit porter un tenugui (une serviette japonaise en coton) sur la tête, un geste symbolique qui montre que, tout comme une femme peut posséder des traits de masculinité, un homme peut aussi éprouver une part de féminité. Son père la soutient sans réserve dans son choix.
Bien que Suzu ne se reconnaisse pas comme une femme, elle attire l’attention de certains hommes, notamment Iba Shingo, l’instructeur adjoint du dôjô, qui la demande en mariage. Cette demande la surprend. Comment un homme pourrait-il être attiré par elle, elle qui ne se perçoit que comme un homme et qui craint de ne pas être une bonne épouse, faute de posséder des traits de féminité ?
Iba, cependant, la rassure en lui disant que ce qu’il aime chez elle, c’est précisément qui elle est : son caractère, son comportement et sa personnalité, bien plus que ses traits physiques ou son apparence.
Entre sabre et identité
Après cette demande en mariage, Suzu fait la rencontre d’une jeune femme, Nakazawa Koto, qui, comme elle, est adepte du sabre. Dès leur première rencontre, un combat éclate entre elles. Pour la première fois, Suzu ressent quelque chose qu’elle n’a jamais éprouvé auparavant : elle se sent écoutée, comprise, et surtout, elle se sent traitée sur un pied d’égalité. Avant de partir, Koto lui pose une question qui va troubler Suzu : pourquoi pratique-t-elle l’art du sabre ? À cet instant, Suzu ne sait pas quoi répondre, contrairement à Koto qui, elle, considère le sabre comme une voie de paix, un moyen d’apaiser à la fois le corps et l’âme.
Alors que Suzu continue de réfléchir à cette question, elle fait une rencontre pour le moins étrange. Une femme lui demande, sans détour, comment tuer quelqu’un. Une requête surprenante, surtout en cette époque où seuls les samouraïs avaient le droit de porter un sabre et, par extension, celui de tuer. La femme précise qu’elle souhaite tuer avec un simple couteau de cuisine.
Sans hésiter, Suzu lui donne des explications. Mais, peu après, la femme lui révèle que sa demande n’était pas pour commettre un meurtre : elle souhaite seulement apprendre à se défendre. Cette femme, mère de six enfants et future propriétaire d’un débit de boissons, veut être capable de se protéger. Ce moment marquant pousse Suzu à se remettre en question. Pourquoi a-t-elle choisi la voie du sabre ? La réponse s’impose alors à elle : elle veut devenir comme sa mère, une femme qui excellait elle aussi dans l’art du sabre. Pourtant, Suzu en est consciente : si elle se marie, elle ne pourra jamais devenir samouraï, car les femmes de l’époque n’avaient pas cette possibilité.


Suzu, samouraï en devenir
Ainsi, nous suivrons les aventures de Suzu, accompagnée de Koto, qui partagera avec elle de nombreux moments, à la fois joyeux et difficiles. Suzu, dans sa quête de compréhension de sa propre identité, tentera de se conformer à une vision traditionnelle de la féminité. Cependant, elle se rendra vite compte qu’en dépit de ses efforts, elle ne se sent pas à sa place dans ce rôle. Au cours de leur parcours, elles prendront conscience des défis spécifiques auxquels les femmes sont confrontées, notamment lorsqu’elles rencontrent des « oiseaux de nuit » (des prostituées), et découvriront les réalités sombres de leur existence.
Un peu plus tard, Suzu et Koto seront confrontées à une série de meurtres de ces mêmes oiseaux de nuit, tuées par un inconnu. Elles s’engageront alors dans une enquête pour identifier le responsable de ces crimes.
À travers cette aventure, nous suivrons donc Suzu dans son évolution personnelle, alors qu’elle s’interroge sur son propre devenir : doit-elle se conformer aux attentes de la société et devenir une femme traditionnelle ? Se marier ? Ou suivre sa propre voie et rester fidèle à son idéal de samouraï ? Ces questions récurrentes s’imposent à elle, alors que l’époque d’Edo, elle-même, est sur le point de connaître une transformation radicale.