LIVRES / MANGA

Hinatsuba, celle qui maniait le sabre

DATE DE SORTIE
19/02/2025
AUTEUR
Koichi MASAHARA
ÉDITEUR
Kotodama
TYPE
Manga
NOMBRE DE PAGE
296 pages
PRIX
12,90 €

Fille unique d’un maître du sabre, Suzu est aussi son élève la plus douée. Mais dans le Japon d’Edo, les traditions règnent et le destin d’une jeune femme n’est pas de pratiquer le sabre. En plein questionnement sur son identité et son genre, Suzu parviendra-t-elle à s’accepter et à trouver sa place ?

Hinatsuba, celle qui maniait le sabre est un manga publié au Japon en 2018. Il s’agit d’un one-shot de 280 pages, auquel s’ajoutent 16 pages de documentaire. En France, il faudra attendre février 2025 pour le découvrir, publié par les éditions Petit à Petit sous leur nouveau label Kotodama.

Le Japon au temps d’Edo

Tout comme Sushi Ici et Hitarki in the Light, ce manga offre à la fin un documentaire complet, entièrement en couleur et illustré.

Ce supplément richement détaillé permet au lecteur de plonger plus profondément dans l’époque d’Edo, en explorant des sujets variés comme la vie des samouraïs, leur rôle et leur fonction dans la société, ainsi que la pratique du sabre, symbole majeur de cette époque.

Le documentaire met également en lumière le rôle des femmes pendant cette période historique, souvent ignoré dans les récits traditionnels.

En plus des illustrations captivantes, on y trouve des conseils de lecture pour aller plus loin dans la découverte de l’époque, ainsi qu’une chronologie des événements importants de l’ère d’Edo, permettant de mieux comprendre le contexte historique dans lequel se déroule l’histoire du manga.

Hinatsuba, celle qui maniait le sabre

Au-delà des attentes : l’histoire de Suzu

Depuis toujours, Suzu, fille de Kantake Shûzô, maître d’armes d’un dôjô, ressent un profond mal-être. Elle n’a jamais eu l’impression d’être une femme et ne se reconnaît pas parmi les autres jeunes de son âge. Elle ne trouve aucun plaisir à jouer avec des poupées ni à admirer les hommes. Son seul véritable plaisir réside dans le dôjô, lorsqu’elle manie un sabre, ce qui, à l’époque, est plutôt surprenant pour une femme.

Cependant, malgré ces sentiments, son père, qui l’élève seul, la soutient pleinement dans sa volonté et la taquine même. Dès les premières pages, on le voit porter un tenugui (une serviette japonaise en coton) sur la tête, un geste symbolique qui montre que, tout comme une femme peut posséder des traits de masculinité, un homme peut aussi éprouver une part de féminité. Son père la soutient sans réserve dans son choix.

Bien que Suzu ne se reconnaisse pas comme une femme, elle attire l’attention de certains hommes, notamment Iba Shingo, l’instructeur adjoint du dôjô, qui la demande en mariage. Cette demande la surprend. Comment un homme pourrait-il être attiré par elle, elle qui ne se perçoit que comme un homme et qui craint de ne pas être une bonne épouse, faute de posséder des traits de féminité ?

Iba, cependant, la rassure en lui disant que ce qu’il aime chez elle, c’est précisément qui elle est : son caractère, son comportement et sa personnalité, bien plus que ses traits physiques ou son apparence.

Entre sabre et identité

Après cette demande en mariage, Suzu fait la rencontre d’une jeune femme, Nakazawa Koto, qui, comme elle, est adepte du sabre. Dès leur première rencontre, un combat éclate entre elles. Pour la première fois, Suzu ressent quelque chose qu’elle n’a jamais éprouvé auparavant : elle se sent écoutée, comprise, et surtout, elle se sent traitée sur un pied d’égalité. Avant de partir, Koto lui pose une question qui va troubler Suzu : pourquoi pratique-t-elle l’art du sabre ? À cet instant, Suzu ne sait pas quoi répondre, contrairement à Koto qui, elle, considère le sabre comme une voie de paix, un moyen d’apaiser à la fois le corps et l’âme.

Alors que Suzu continue de réfléchir à cette question, elle fait une rencontre pour le moins étrange. Une femme lui demande, sans détour, comment tuer quelqu’un. Une requête surprenante, surtout en cette époque où seuls les samouraïs avaient le droit de porter un sabre et, par extension, celui de tuer. La femme précise qu’elle souhaite tuer avec un simple couteau de cuisine.

Sans hésiter, Suzu lui donne des explications. Mais, peu après, la femme lui révèle que sa demande n’était pas pour commettre un meurtre : elle souhaite seulement apprendre à se défendre. Cette femme, mère de six enfants et future propriétaire d’un débit de boissons, veut être capable de se protéger. Ce moment marquant pousse Suzu à se remettre en question. Pourquoi a-t-elle choisi la voie du sabre ? La réponse s’impose alors à elle : elle veut devenir comme sa mère, une femme qui excellait elle aussi dans l’art du sabre. Pourtant, Suzu en est consciente : si elle se marie, elle ne pourra jamais devenir samouraï, car les femmes de l’époque n’avaient pas cette possibilité.

Hinatsuba, celle qui maniait le sabre
Hinatsuba, celle qui maniait le sabre

Suzu, samouraï en devenir

Ainsi, nous suivrons les aventures de Suzu, accompagnée de Koto, qui partagera avec elle de nombreux moments, à la fois joyeux et difficiles. Suzu, dans sa quête de compréhension de sa propre identité, tentera de se conformer à une vision traditionnelle de la féminité. Cependant, elle se rendra vite compte qu’en dépit de ses efforts, elle ne se sent pas à sa place dans ce rôle. Au cours de leur parcours, elles prendront conscience des défis spécifiques auxquels les femmes sont confrontées, notamment lorsqu’elles rencontrent des « oiseaux de nuit » (des prostituées), et découvriront les réalités sombres de leur existence.

Un peu plus tard, Suzu et Koto seront confrontées à une série de meurtres de ces mêmes oiseaux de nuit, tuées par un inconnu. Elles s’engageront alors dans une enquête pour identifier le responsable de ces crimes.

À travers cette aventure, nous suivrons donc Suzu dans son évolution personnelle, alors qu’elle s’interroge sur son propre devenir : doit-elle se conformer aux attentes de la société et devenir une femme traditionnelle ? Se marier ? Ou suivre sa propre voie et rester fidèle à son idéal de samouraï ? Ces questions récurrentes s’imposent à elle, alors que l’époque d’Edo, elle-même, est sur le point de connaître une transformation radicale.

CONCLUSION

Eh bien, c’est une grande surprise pour moi, car j’ai réellement pris beaucoup de plaisir à cette lecture. Comme je l’ai mentionné dans un autre article, les récits se déroulant à l’époque d’Edo ne font généralement pas partie de mes genres de prédilection, souvent en raison de leur complexité. Cependant, cette fois-ci, l’histoire de Suzu m’a totalement captivée. Tout est parfaitement expliqué, et les pages documentaires en fin de manga se révèlent être une ressource précieuse pour mieux comprendre le contexte historique et ses enjeux.

Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est le personnage de Suzu. Sa quête personnelle pour comprendre qui elle est, dans un monde où elle peine à trouver sa place, est profondément émouvante et touchante. La difficulté d’être une femme à cette époque, confrontée à des attentes sociétales strictes, ajoute une dimension de complexité à son parcours. Suzu est une figure de résilience et de détermination, une jeune femme qui, malgré les obstacles, refuse de se conformer aux rôles traditionnels qui lui sont imposés. Ce caractère, à la fois nuancé et puissant, est ce qui rend son histoire si attachante et inspirante.

En ce qui concerne les dessins, bien qu’ils soient inhabituels, j’ai trouvé le style très plaisant. Il apporte une touche de fraîcheur et d’humour, ce qui équilibre parfaitement la gravité des thèmes abordés. Les textes sont simples, clairs et accessibles, ce qui a permis à ma fille de 11 ans de lire le manga avec intérêt. Elle a particulièrement apprécié la personnalité de Suzu, cette jeune femme en quête de soi qui, malgré ses doutes, demeure une battante.

En conclusion, je recommande vivement cette lecture pour sa profondeur et son accessibilité, tout en soulignant que certaines scènes pourraient être difficiles à saisir pour un jeune public, notamment celles autour des « oiseaux de nuit » et des meurtres qui en découlent. Cependant, du point de vue historique, l’œuvre est extrêmement intéressante et apporte une véritable richesse au lecteur.

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